Un cinéma pour questionner l'identité "antillaise"

En 2025, les médias ont été prompts à parler de “renaissance” du cinéma antillais. Le docteur Guillaume Robillard a fait la promotion de son deuxième ouvrage “Un cinéma décolonial : les personnages du cinéma antillais”, ce qui offre un regard académique sur une thématique (auto)invisibilisée. En effet, “il n’y a pas de public antillais” est certainement la remarque la plus constante que j’ai entendue sur ces dix dernières années alors même qu’il y a une production assez régulière de films. En majorité des courts-métrages, certes. Je dis juste que c’est une production non-négligeable mais qu’elle est considérée sans intérêt. L’engouement populaire suscité par les films “Zion” et “Fanon” a mis en lumière l’existence d’un certain public communautaire en demande de représentation mais aussi l’absence de réflexion sur les représentations proposées. C’est comme s’il y a eu un accord tacite de ne pas contredire l’humanisation (voire la déshumanisation de mon point de vue) de cette identité “antillaise” pensée et vendue comme un bloc. Tout ça pour garantir le succès d’un film en limitant les critères de réussite uniquement au nombre d’entrées. 

Au-delà de la subjectivité de nos goûts individuels pour juger si on aime ces films ou pas, quelles sont nos attentes en terme de représentation culturelle voire identitaire du point de vue de la Guadeloupe et de la Martinique ? J’ai été perplexe de me retrouver “confrontée” au refus d’avoir un discours sur cet aspect là au nom de l’injonction à soutenir aveuglément à cause du marketing de l’indignation. A part les réflexions du type “c’est la vraie vie aux Antilles” ou “ça c’est la (dure) réalité des Antilles”, comment nos films mettent-ils en lumière ce qui nous définit comme communauté EN DEHORS de la lutte face aux injustices et aux discriminations ? Voici une liste non-exhaustive de films avec des personnages de Guadeloupe et/ou de Martinique qui peuvent ouvrir ce type de discussion.  A noter que ce ne sont pas des recommandations, mais une invitation à creuser le commentaire “c’est un film puissant, engagé, militant”. Ces longs-métrages sont classés en ordre chronologique par rapport à l’époque où se déroule l’intrigue du futur le plus lointain au passé le plus lointain.


  1. Battledream Chronicle (2015) d'Alain Bidard

UNE interprétation de l'identité martiniquaise des années 2100. Une réflexion sur notre concept de liberté et du régime politique pour nous gouverner. [épisode de podcast]

2.Zion (2025) de Nelson foix

UNE interprétation de l'identité guadeloupéenne des années 2020. Une volonté d'immortaliser le style de vie de la Guadeloupe rythmé par le gwoka et le Carnaval au début des années 2020.

3. Zépon (2021) de Gilles Elie-dit-Cosaque

UNE interprétation de l'identité martiniquaise dans les années 2020. L'immortalisation poétique de la culture des pitt a coq à travers une relation père-fille. [épisode de podcast]

4. Le bonheur d’Elza (2011) de Mariette Monpierre

UNE interprétation de l’identité guadeloupéenne dans les années 2010. L’immortalisation d’un retour au pays doublé d’une quête familiale à travers une relation fille-père.

5. Tèt Grenné (2000) de Christian Grandman

UNE interprétation de l’identité guadeloupéenne des années 2000. L’immortalisation de l’importance de la communauté et de la transmission intergénérationnelle pour survivre. 

6. Nèg Maron (2001) de Jean-Claude Berny

UNE interprétation de l'identité guadeloupéenne du début des années 2000. La mise en scène d'une jeunesse désoeuvrée en quête d'épanouissement. [épisode de podcast]

7. Siméon (1992) d'Euzhan Palcy

UNE interprétation de l'identité guadeloupéenne des années 90. Une célébration de nos musiques comme le cœur de notre culture. L’immortalisation de notre rapport à la joie à travers nos rassemblements communautaires: la fête des cuisinières, la veillée, le concert. [épisode de podcast]

8. Les Rascals (2023) de Jimmy Laporal-Trésor 

UNE interprétation de la définition de soi face au racisme du point de vue adolescent dans la France hexagonale des années 80. [épisode de podcast]

9. Ô Madiana (1979) de Constant Gros-Dubois

UNE interprétation de la définition de soi face au racisme du point de vue adulte dans la France hexagonale des années 70. [article de blog]

10. Coco La fleur Candidat (1978) de Christian Lara

UNE interprétation de l'identité guadeloupéenne dans les années 70. Un rappel des dynamiques sociales dans une Guadeloupe post-Seconde guerre mondiale. L'importance de mettre le peuple guadeloupéen au cœur de toute action politique. [épisode de podcast]

11. Rue Cases-Nègres (1982) d'Euzhan Palcy 

UNE interprétation de l'identité martiniquaise des années 1930. L’immortalisation de la vie dans les habitations et de notre capacité à réussir dans un système éducatif grâce aux valeurs transmises par l'histoire que nous avons vécue. [épisode de podcast]


Mention honorable

Des films dont la compréhension sur le plan culturel est moins intuitive donc plus compliquée aux premiers visionnages.

Nonm (2024) de Kichena

Une interprétation de l’identité guadeloupéenne dans les années 2020. Une volonté de valoriser nos spiritualités aux sources africaines, indiennes et européennes.

L’homme au bâton (2024) de Christian Lara

Une interprétation de l’identité guadeloupéenne dans les années 2020. Une volonté de mettre en lumière nos responsabilités individuelles pour résoudre les violences sociales. [épisode de podcast]

(TV) FilmL SCommentaire