"Soup a pyé" ou l'amertume de la vieillesse en Guadeloupe

Ndlr : cet article a été publié pour la première fois sur myinsaeng.com le 15 juin 2016.


Nouvelle rubrique : “Streaming time”. Elle est consacrée aux oeuvres audiovisuelles (websérie, court-métrage) qui réveillent la fangirl en moi. Bien évidemment, je n’évoque que ce que vous pouvez visionner gratuitement et légalement sur internet.

Googlant inlassablement un film caribéen spécifique (que je n’ai pas trouvé mais je ne désespère pas, on en reparle dans un prochain article), je suis retombée sur Soup a pyé (2013). Réalisé et écrit par Karine Gama, ce court-métrage m’avait conquise l’année dernière. La cinématographie était un festin pour les yeux à la hauteur de la soupe délicieuse que préparait cette grand-mère adorable. J’avais été sous le charme mais pas émue parce que j’avais regardé avec détachement. J’essaye de transformer 2016 en mon année Phoenix, d’où le fait que j’ai probablement été plus réceptive à l’intrigue lors de mon second visionnage.

“Un regard sensible et audacieux sur une grand-mère garante des valeurs culturelles, familiales et sociales”.

La description résume parfaitement la délicatesse de cette tranche de vie entourée mais solitaire. Personnellement, je ne me suis pas du tout reconnue dans le portrait de famille, mais j’ai vraiment été en symbiose avec le son qui a multiplié la magie de l’image à la puissance 10. Ces quelques minutes m’ont transportée une quinzaine d’années en arrière. La voix de (Michel) Marvel si reconnaissable avec ses “bien bonjou la fanmi” accompagnait les moments où nous délaissions la télévision pour laisser la radio rythmer nos tâches à la maison. C’était l’époque où je m’égosillais sur du Britney Spears, tomber en amour devant les boysbands, me la jouais Destiny’s Child. Pourtant, mon coeur se laissait bercer par les boléros et la biguine du dimanche. Si ce n’était pas notre radio, c’était celle du voisin qui en faisait profiter tout le quartier. Et puis, c’était parfois le jour de la visite chez ma grand-mère. En réalité, nous pouvions nous voir tous ensemble plusieurs fois par semaine chez elle. Le dimanche avait malgré tout une atmosphère particulière. L’odeur de la soupe nous accueillait sur la véranda qui avait droit à un dernier coup de balai à feuilles avant que le déjeuner ne commence officiellement. Entre les cousins, les cousines, les oncles et les tantines, il fallait donner de la voix pour réussir à se faire entendre. Une fois que tout le monde était rassasié, venait alors le moment de la sieste pour ma grand-mère et ceux qui désiraient profiter de ces quelques heures de repos. Le soir, chaque famille repartait de son côté, le tupperware rempli de soupe à ras bord, en promettant de le ramener sans faute la semaine prochaine.

Proust avait sa madeleine, Karine Gama m’a donné Soup a Pyé. Pour en découvrir plus sur la filmographie de cette jeune réalisatrice guadeloupéenne, cliquez ici.