#cinémaantillais : voyage dans mes souvenirs avec “Siméon” d'Euzhan Palcy

ndlr : cet article a été publié pour la première fois sur myinsaeng.com le 2 mars 2016.


Nous avons tous au moins un film qui symbolise notre enfance. On ne peut pas dire grand-chose du résumé. On a oublié le nom des personnages. On serait même incapable de reconnaître les acteurs aujourd’hui. MAIS on n’oublie pas ce que ces films nous ont fait ressentir. J’en ai quatre dans cette catégorie : Sissi, Maman j’ai raté l’avion, Rue Case-Nègres et Siméon.

J’ai décidé de faire ma review après avoir publié ma critique de La Squale parce que j’avais envie de parler d’un film qui me met du baume au coeur. J’ai réfléchi un moment et puis Siméon s’est imposé à moi. J’ai dû le voir au moins une vingtaine de fois entre mon enfance et mon adolescence fin années 1990 et début 2000. Je l’avais en VHS parce qu’il passait au moins une fois par an sur RFO (Guadeloupe 1ère de l’époque). Quelle frustration de ne trouver le DVD nulle part ! Je croyais qu’il aurait été commercialisé après la présentation en avant-première l’année dernière, mais en fait non. Paraît-il qu’il est disponible en VOD, mais j’ai cherché et je n’ai pas trouvé. J’ai même téléchargé iTunes exprès, mais non. J’ai trouvé Rue Cases-Nègres mais pas Siméon.

Faites-moi signe si vous savez où le télécharger légalement. De fait, puisque je n’ai pas pu me rafraîchir la mémoire, j’avais envie de laisser tomber et puis je me suis dit que n’en parler que par rapport à mes souvenirs pourrait être intéressant. Gardez en tête que je n’ai pas vu le film depuis au minimum 15 ans, donc je ne pourrai pas être précise dans les détails.

Réalisation: Euzhan Palcy
Résumé allôciné : Comment Orélie, la petite amie du vieux Siméon qui vient de mourir, le transforme en esprit. L’esprit Siméon, Orélie et son père Isidore partent à Paris pour tenter d’y faire un disque, vieux rêve à tous les trois.
Résumé du site : Un village des Antilles. Siméon, musicien, est adoré de tous. Surtout d’Orélie, une fillette dont le père, Isidore, rêve de créer une musique universelle. Siméon meurt d’un accident. Orélie coupe la natte de cheveux de son vieil ami : celui-ci ne peut alors mourir complètement et revient auprès de ses amis, fantôme chaleureux et rieur. Il accompagne Isidore à Paris où celui-ci trouve un producteur et une superbe chanteuse. L’esprit de Siméon réunit plusieurs musiciens qui forment le groupe Jacaranda.

Je ne sais pas pourquoi, mais le mot village me fait toujours tiquer quand on l’utilise pour parler d’une commune antillaise. Dans ma tête, le village, c’est le village des fictions françaises hexagonales sur les années 40 avec la mairie, le curé, l’école communale, et la poste… ou alors le hameau de 10 maisons maxi. Je le dis parce que c’est exactement ça qui rend Siméon si précieux à mes yeux. C’est un film avec des personnages issus d’un “village antillais” et qui montrent justement un autre visage de la France.

J’ai des bribes de souvenirs. Je revois très bien Siméon dans son costard rose (ze classe). Je revois aussi Pascal Légitimus en Philomène Junior avec son cigare. Je me rappelle de Jacob Desvarieux discutant avec Siméon dans les couloirs du métro où les noms des stations ont été remplacés par des noms de communes de la Guadeloupe pour qu’il se repère plus facilement. Je revois très clairement le panneau Abymes. Je me souviens de la tresse de Siméon qu’Orélie caressait comme un talisman puis je crois qu’elle la brûle à la fin et elle dit “au revoir M. Siméon”. Je me souviens du concert final, j’entends les tambours dans les premières scènes… J’ai peu de souvenirs en fin de compte, ils sont probablement erronés. Et je me suis rendue compte qu’ils correspondent aux scènes choisies pour la bande-annonce.

N’empêche, Orélie était une petite fille comme je n’en avais jamais vu à la télévision. Avec Rudy Huxtable (Keshia Knight Pulliam), elle est mon premier (unique?) souvenir de petite fille noire à la télévision. A cet âge-là, je portais généralement des tresses, deux couettes ou un chignon. En clair, je faisais partie de ces petites filles qui avaient rarement les cheveux lâchés avec ses propres cheveux. C’était shampooing et on coiffe tout de suite pendant que c’est démêlé. Quand j’habitais en Métropole, j’étais dans un environnement où j’étais la seule Noire. Quand j’allais en vacances, je restais avec ma famille et leurs amis et quand ce sont les vacances, les filles sont généralement avec des tresses pour ne pas avoir à se coiffer tous les jours. D’où ma fascination quand j’ai vu Orélie la première fois. J’ai trouvé ses cheveux frisés tellement magnifiques que je voulais la même coiffure. Maintenant, vu ma texture de cheveux, je sais que je ne pourrais pas avoir un tel résultat capillaire sans passer par des produits chimiques.

Mais là n’est pas la question. Quand j’y repense aujourd’hui, Orélie a été une révélation pour moi d’une façon tellement spirituelle que je n’en étais même pas consciente à l’époque. Le fait est que je ne pense pas que je m’identifiais à elle du genre “je me regarde dans un miroir”. Pas du tout. Toute proportion gardée, Orélie est aujourd’hui pour moi, ce que je crois Hermione a été pour des millions de jeunes lecteurs et lectrices (quand bien même certains refusent de concevoir qu’elle puisse être noire. Mais passons). Elle était juste une représentation d’un personnage enfant que j’avais envie de voir parce que c’était une petite fille intelligente, pleine de vie, déterminée, courageuse, fière… L’incarnation de la coolness qu’un enfant idéalise. Et adolescente, Orélie aurait été encore plus cool. J’en suis sûre.

Malheureusement, je ne peux pas parler plus en détail par rapport à la réalisation et au scénario… Mais vu le nombre de fois que je l’ai regardé dans ma lointaine jeunesse et le souvenir magique qu’il m’a laissé, je dirais que ça ne compte même plus à ce stade-là. Siméon fait partie de ces films intemporels que tu peux apprécier aussi bien à 10 ans qu’à 70 ans. Il fait rire, il fait pleurer en faisant honneur à la culture antillaise dans toute sa richesse et sa diversité sans s’en moquer ou tomber dans la dérision. Il devrait faire partie des classiques du style Le grand chemin ou le Père Noël est une ordure que les chaînes nationales nous ressortent régulièrement. Certes, le public hexagonal peut rire en regardant La Première étoile, mais il est temps que la fiction française laisse aussi la place à la culture antillaise sans qu’elle ne soit considérée comme “exotique” (pour ne pas dire étrangère). Ce n’est pas une question de diversifier, c’est une question d’inclure ce qui a déjà été créé pour stimuler les vocations afin que la culture française des générations de Français à venir ait plus qu’un seul Siméon.