Ce que les films d'Euzhan Palcy représentent pour les (Afro)Caribéens

Yé Moun La! Aujourd’hui, je vous propose un épisode en hommage à Euzhan Palcy qui a reçu un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière le 19 novembre 2022.

0:00 - 0:15 : intro

0:15 - 1:14 : comment Karukerament se retrouve cité dans l’édition de décembre de 2022 du magazine Sight & Sound pour le billet Voyage dans mes souvenirs avec Siméon.

1:15 - 1:56 : le paradoxe de la carrière d’Euzhan Palcy qui est célébrée par de grandes réalisatrices comme Ava Duvernay, Julie Dash, et par Hollywood mais elle a peu tourné en France.

1:57 - 2:27 : présentation du thème de l’épisode : les extraits d’épisodes de mes podcasts où Euzhan Palcy est mentionnée.

2:27 - 3:29 : Clarisse Albrecht et Ivan Herrera de République dominicaine dont le film “Bantú Mama” est distribué par Array, la compagnie d’Ava Duvernay, et est disponible sur Netflix.

3:30 - 4:11 : Jocelyne Béroard de Martinique, chanteuse du groupe Kassav’ qui a tourné dans le film “Siméon” d’Euzhan Palcy.

4:12 - 5:22 : Alain Bidard de Martinique qui a réalisé “Battledream Chronicle” et “Opal”.

5:23 - 6:04 : Nadhege Ptah, Etats-Unienne d’origine haïtienne, qui a réalisé “Paris Blues in Harlem”. 

6:05 - 8:12 : Wally Fall de Martinique et Anyès Noël de Guadeloupe qui ont créé le film “Fouyé Zétwal”.

8:13 - 10:15 : Gabri Christa de Curaçao qui a réalisé “One Day At A Time” et “Son”.

10:16 - 11:00 : outro


Transcription

Yé Moun La! Vous écoutez Karukerament, mon podcast sur la représentation de la Caraïbe au cinéma et à la télévision. Je m’appelle Maëlla. Aujourd’hui, je vous propose un épisode en hommage à Euzhan Palcy qui a reçu un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière le 19 novembre 2022. 

Storytime. Il y a quelques semaines, un journaliste de cinéma m’a contactée parce qu’il était en train d’écrire une chronique sur Siméon pour l’édition de décembre du magazine britannique Sight & Sound. C’est l’un des plus anciens magazines de cinéma au monde. Il voulait mon autorisation pour citer quelques phrases de mon billet Voyage dans mes souvenirs avec Siméon. Lui a lu la version en anglais. Jusqu’à la publication du magazine, j’étais toujours dubitative d’avoir été contactée pour un billet écrit en 2016 qui racontait juste mes souvenirs d’enfance, le fait de voir une petite fille noire à l’écran, mais il n’y avait pas d’analyse profonde ou en tout cas pas comme je le fais dans mon podcast par exemple. Le magazine est sorti début novembre et Karukerament est bien cité, donc je suis vraiment honorée que mes mots aient pu servir à célébrer Euzhan Palcy. Je vous raconte cette anecdote parce qu’elle représente le paradoxe de sa carrière. Elle est une réalisatrice noire martiniquaise qui a toujours été intentionnelle dans sa volonté de représenter son peuple et c’est ce qui lui a permis de briller à l’international, mais elle reçoit principalement une reconnaissance qui vient de l’extérieur. De grandes réalisatrices états-uniennes noires comme Ava Duvernay et Julie Dash la considèrent comme une inspiration et c’est génial. Hollywood l’honore, c’est super. Mais comme pour Maryse Condé, je pense que la meilleure façon d’honorer son oeuvre de notre point de vue, c’est tout simplement d’en parler, de l’analyser, de la critiquer, de l’aimer tout simplement en expliquant l’impact qu’elle a eu sur nos vies. Donc dans cet épisode je vous propose des extraits de mes discussions avec d’autres artistes caribéens où Euzhan Palcy est évoquée. Vous entendrez le sourire dans leur voix et la joie que ses films leur ont donnée.  Certains extraits sont en français, d’autres sont en anglais. Vous retrouverez une traduction écrite sur karukerament.com et dites-moi en commentaire ce que l’oeuvre d’Euzhan Palcy représente pour vous. Bonne écoute. 

Clarisse Albrecht et Ivan Herrera de République dominicaine dont le film “Bantú Mama” est distribué par Array, la compagnie d’Ava Duvernay, et est disponible sur Netflix. [Episode complet]

CLARISSE : Cela me rappelle la "Rue Cases-Nègres". Je ne connais pas le titre en anglais.

MAËLLA : "Sugar Cane Alley" d'Euzhan Palcy.

CLARISSE : Eh bien, ça me rappelle ce film. Je me souviens d'un personnage qui fait "yé kriiii" et les gens répétaient "yé kraaa". Quand j'ai découvert [la rubrique Yé Krik Yé Krak du podcast], j'ai dit "oh ! je me souviens de ça".

IVAN : Et puis elle me l'a expliqué parce que je ne connais pas et elle était très surprise.

CLARISSE : Oui, parce que c'est un film que j'ai vu quand j'étais enfant.

Jocelyne Béroard de Martinique, chanteuse du groupe Kassav’ qui a tourné dans le film Siméon d’Euzhan Palcy. [Episode complet]

JOCELYNE BEROARD : Mon premier souvenir de film caribéen, c’est “Rue Cases-Nègres”. C’est encore référence à Euzhan, mais bon elle est quasiment incontournable. Déjà, c’est une femme, ce qui me rend assez fière. Je crois que c’est le film qui m’a le plus touché. Il y a eu d’autres films avant. Il y a des films de Lara je crois, mais je n’ai pas eu la chance de les voir parce qu’à l’époque, quand ça sortait à Paris, je ne devais pas y être ou j’avais certainement quelque chose qui m’empêchait de voir ces films-là. Mais celui d’Euzhan, Rue Cases-Nègres, ça m’a vraiment vraiment vraiment touchée. Vraiment. Avec Gary Cadenat, le petit garçon. Et puis Mme Légitimus, la grand-mère, c’était un bonheur. Eugène Mona, enfin tous les gens qui sont dedans, Joby Bernabé et compagnie.

Alain Bidard de Martinique qui a réalisé “Battledream Chronicle” et “Opal”. [Episode complet]

ALAIN BIDARD : Mon premier souvenir d'un film caribéen est "Sugar Cane Alley" d'Euzhan Palcy. Je crois que c'était en 1981. J'avais quatre ans et ma toute première expérience du cinéma était caribéenne. C'était la première du film. Je n'étais pas conscient. Je pense que ce sont mes parents qui ont voulu le voir. Ils voulaient soutenir Euzhan Palcy parce que c'était la première fois qu'une Martiniquaise faisait ce genre de choses. C'était énorme. L'Olympia était plein, complètement plein. C'était une expérience vraiment vraiment vraiment formidable. C'était mon premier souvenir d'un film caribéen et mon premier souvenir de cinéma. 

Nadhege Ptah, Etats-Unienne d’origine haïtienne, qui a réalisé “Paris Blues in Harlem”. [Episode complet]

NADHEGE PTAHT : Je veux prononcer son nom. Euzhan Palcy. De Martinique, dans les Antilles françaises. Et ce film, rien que le personnage du petit garçon qu’on suit aux Antilles a eu une telle résonance en moi. C'était mon premier souvenir d'un film caribéen. Surtout parce que je suis née aux États-Unis. Et ma famille est originaire d'Haïti. Je suis donc une descendante d'une famille caribéenne.

Wally Fall de Martinique et Anyès Noël de Guadeloupe qui ont créé le film “Fouyé Zétwal”. [Episode complet]

WALLY FALL : Le premier, le plus ancien souvenir que j’ai d’un film caribéen, c’est la “Rue Cases-nègres” d’Euzhan Palcy. C’est un film que j’ai vu en Martinique quand j’avais 6/7 ans. Je ne sais plus si j’étais allé avec ma mère ou mon père, mais le film m’avait impressionné. C’est surtout les scènes de nuit entre José et Médouze qui m’ont marqué, qui m’ont, sur le coup, effrayé un peu. Et en même temps…. Peut-être qu’effrayé, c’est fort. En tout cas, c’étaient des atmosphères très fortes. Je ne peux pas dire que c’est un film que j’ai aimé tout de suite. Je pense que j’étais trop jeune pour capter toutes les nuances de ce film, mais c’est un film qui m’avait vraiment impressionné à l’époque.

MAËLLA : Je précise que Wally et Anyès ne se sont pas concertés pour la réponse.

ANYES NOEL : Le premier film caribéen qui me vient à l’esprit, c’est “Siméon”. “Siméon” d’Euzhan Palcy. (rires) J’étais très jeune. Je ne me souviens plus du tout de l’âge que j’avais, mais ça m’avait beaucoup marquée. Cette jeune fille qui devait probablement avoir approximativement mon âge, qui voit un esprit, qui voit un fantôme, quelque part, si on peut le dire comme ça. La dimension de transmission, dans l’intergénérationnel, le transgénérationnel puisqu’il meurt. Ce bagage culturel à transmettre aussi. Oui, ça m’avait beaucoup marquée. Beaucoup marquée. C’est ce qui me reste encore aujourd’hui. 

MAËLLA : Et je reprécise qu’Anyès et moi, nous ne nous sommes pas concertées pour la réponse non plus. J’avais déjà parlé de Siméon dans un article sur myinsaeng.com à l’époque. Je l’ai republié sur karukerament.com. Anyès a apprécié le film pour les mêmes raisons que moi. Personnellement, je n’ai pas vu Siméon au cinéma. Mais j’imagine la joie que j’aurais eu de découvrir ce film sur grand écran. 

On termine avec Gabri Christa de Curaçao qui a réalisé “One Day At A Time” et “Son”. Je lui explique le parcours du combattant qu’Euzhan Palcy a traversé en France. Bonne écoute.  [Episode complet]

GABRI CHRISTA : J'ai besoin de connaître l'histoire sur pourquoi elle a été blacklistée. Je ne le savais pas. Je me demandais justement pourquoi on n'a pas entendu davantage parler d'elle.

MAËLLA : Elle a fait "Rue Cases-Nègres" au début des années 80. Tout le monde était "wow elle est incroyable. C'est une femme noire". Alors je pense qu'ils ont essayé de faire d'elle la réalisatrice noire qui sert de caution. Au début des années 90, elle a fait un film appelé "Siméon". Et c'était basé sur l'histoire de Kassav'. Le plus grand groupe de... Voilà. Mais il est sorti, je crois, le même jour que "The Bodyguard". Et "The Bodyguard" a bien marché au box-office. Donc, tout ce qui concerne "Siméon" a été relégué dans l'ombre. Kassav' marchait bien aussi à l'époque, mais comme, encore une fois, la France voulait en faire les artistes noirs de service, ils n'ont jamais voulu l'être. Je pense donc que son film “Siméon” qui n'a pas bien marché au box-office était une raison pour ne pas lui donner de financement pour ses projets suivants. Elle a fait quelques films en France après ça, mais c'était surtout des téléfilms, je crois, ou des documentaires. Elle n'a jamais fait de film comme un long métrage destiné à être projeté dans les salles de cinéma. Elle est allée à Hollywood et a fait une grande carrière à Hollywood, mais pas en France. En tout cas, c'est comme ça que je comprends l'histoire. 

GABRI CHRISTA : Ok, maintenant, on a trop de choses à se dire parce que je suis tellement de choses sur toutes les autres îles des Caraïbes. Ça a commencé avec Maryse Condé et maintenant je vais devoir aller chercher des infos sur ça aussi. Pour moi, il était très important de la regarder [Euzhan Palcy] à ce moment-là. 

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