Fouyé Zétwal (Plowing The Stars)

Réalisé par Wally Fall et narré par Anyès Noël, Fouyé Zétwal est un court-métrage d’une douzaine de minutes. Voici le synopsis :

Alors qu’elle va retrouver son père, une femme fait le point sur sa vie. Sur son trajet, le pays lui semble vide et lentement, des souvenirs de ses vies passées lui reviennent... Est-ce la réalité ? Est-ce seulement un rêve ?
— https://vimeo.com/423430218

Avec une voix-off en créole, des sous-titres en anglais et une promotion assurée dans ces deux langues plus le français, Fouyé Zétwal reflète cette nouvelle étape du développement de l’industrie cinématographique caribéenne : raconter nos récits et les rendre accessibles au reste du monde sans cacher notre identité. Certes, il s’agit du contexte guadeloupéen, mais n’importe qui peut s’identifier. En toute franchise, j'ai l'impression que je n'ai pas les mots pour rendre justice à la beauté de ce film. À la base, je ne suis pas particulièrement émue par la poésie… L’émotion que cet art verbal est supposée créer m’est incompréhensible neuf fois sur dix. Mais je ne vois pas d’autre mot pour qualifier Fouyé Zétwal : c'est de la poésie cinématographique.

J’ai appris l'existence de Fouyé Zétwal quand Sonny Troupé en a parlé sur ses réseaux sociaux en tant que compositeur de la musique du film. Quand on lit ou écoute le récit de la création de cette oeuvre (making-of disponible sur le blog de cinemawon.net), il y a de quoi être d'autant plus impressionnée. En effet, si la volonté derrière ce projet était claire dès le départ, la concrétisation s’est faite dans une relative spontanéité. Par exemple, le texte de la voix-off qui sert de fil conducteur n’a été écrit que bien après le tournage, il n’a même pas fait l'unanimité au début. Peut-être que la magie est née justement de l’équilibre entre la conviction de continuer sur une voie déterminée consciencieusement et l'acceptation des happenings faisant entrer l'œuvre dans une dimension supérieure.

Je n'étais absolument pas prête pour ce voyage artistique au cœur de l’histoire contemporaine de la Guadeloupe. Ce regard d’une femme capturé dans un moment de vulnérabilité, ce chassé-croisé entre histoire individuelle et histoire récente du pays, ce constat de destruction d’un mode de vie en harmonie avec la Nature, chaque image suggère les mêmes questions : quelle vie menons-nous actuellement et quelle vie rêvons-nous ?… C'est exactement ce dont nous avons besoin actuellement.

La violence du quotidien ne nécessite pas uniquement une représentation par la violence. Notre santé mentale mérite aussi une approche directe mais douce. J'insiste bien sur le fait qu'il s’agisse d’une douceur dans l’approche mais pas dans le propos. Comment pourrait-il en être autrement quand on observe la Guadeloupe de ces cents dernières années ? Déchirement, déracinement, protestation, révolte… Nous avons vécu et continuons de vivre dans une violence permanente. Le fonctionnement du monde du 20ème siècle et de ce début du 21ème siècle a reposé sur une instabilité permanente. Chaque génération doit affronter de nouveaux changements de vie, doit s'adapter à un nouveau paradigme économique, tout en devant lutter pour garder un lien avec les générations précédentes. Chaque décennie connaît sa période d'agitation, sa période de revendication de la liberté, de l’égalité et d’humanité.

Odyssée temporelle guadeloupéenne honorant le passé, Fouyé Zétwal invite à imaginer l’avenir car la seule certitude est que le changement est toujours possible. Parfois, tout ne tient que dans un battement d’ailes de papillon.

Fouyé Zétwal est disponible gratuitement sur Vimeo.